The Lady of Shalott
> Le poème d’Alfred Tennyson, The Lady of Shalott, est numérisé par Poetry Foundation, une association américaine crée en 2003 pour soutenir le journal Poetry. L’un de ses objectifs est de rendre accessible la poésie à un public large par une numérisation des œuvres. The Lady of Shalott s’inspire de légendes arthuriennes. Le personnage est enfermé dans une tour et regarde le monde par l’intermédiaire d’un miroir, tout en travaillant à sa tapisserie. Un jour Lady of Shalott aperçoit Lancelot par la fenêtre et quitte son foyer, elle s’embarque sur un bateau et est retrouvée morte.
Le site de la Poetry Foundation propose les deux versions de The Lady of Shalott, la version de 1832 et la version de 1842.
> The Victorian Web, site internet dédié à l’époque victorienne, met en ligne un article sur la représentation de Lady of Shalott. Ce site a été créé par George P. Landow, Professeur d’histoire de l’art à l’Université de Brown. The Lady of Shalott : Pre-Raphaelite Attitudes Toward Woman in Society s’inscrit dans un cycle de cours donnés en 2004 par Landow à Brown, intitulé « Pre-Raphaelites, Aesthetes, and Decadents ».
L’auteur présente brièvement les préraphaélites et remarque que les peintres illustrent, à travers leurs représentations de Lady of Shalott, le rôle et la condition de la femme dans la société victorienne. Chaque peintre a représenté un moment différent du poème et selon Landow ces choix témoignent de différentes interprétations de la situation de la femme.
Il explique que Tennyson présente le personnage comme une femme passive et coupée du monde extérieur. Il fait le lien entre la conception victorienne du monde et le poème : comme Lady of Shalott, la femme victorienne est confinée dans la sphère privée, à l’intérieur de la maison. Le poète met en garde les femmes du 19ème : le personnage, en quittant le foyer, connaît une fin tragique.
L’auteur souligne que les thèmes de la passivité féminine et de la femme déchue (pour avoir osé affronter le monde) sont présents dans de nombreux tableaux préraphaélites. Il se penche ensuite sur les représentations de Lady of Shalott par Hunt, Meteyard et Waterhouse.
La première version peinte par Waterhouse (1888) présente le personnage sur sa barque et est très proche du poème : on retrouve la robe blanche et la tapisserie. Les bougies éteintes et le crucifix annoncent la mort du personnage. Il s’agit d’un des rares tableaux à représenter une femme seule dans un paysage, ce qui souligne la vulnérabilité de la figure. La version de 1894 représente Lady of Shalott à sa fenêtre, probablement au moment où elle aperçoit Lancelot car le miroir commence à se fissurer. Dans la dernière version (1915), le personnage est à son métier à tisser, il n’a pas encore vu Lancelot.
L’auteur note qu’il n’y a pas chez Waterhouse de dimension moralisante (au contraire de chez Hunt). Le peintre ne porte pas de regard critique sur son personnage, il paraît même justifier l’acte de Lady of Shalott dans la dernière version où le tissage semble l’ennuyer profondément : il serait donc normal, selon Landow, que la femme soit tentée de quitter sa tour. Waterhouse peint une figure vaincue par l’amour, Lady of Shalott choisit en effet de négliger ses obligations, à savoir tenir le foyer, pour découvrir le monde et se rapprocher de Lancelot.
> The Victorian Web propose également un aperçu du travail de Tennyson, notamment une biographie et des études stylistiques de son œuvre. Plusieurs articles permettent de resituer son travail dans le contexte artistique de l’ère victorienne. Enfin des études sont consacrées aux représentations picturales de ses poèmes.
> Le site de la Royal Academy of Art propose une vidéo du tableau de Waterhouse, Lady of Shalott commenté par Peter Trippi. Le conservateur nous explique ici en quoi Waterhouse rompt avec les codes britanniques traditionnels. Il effectue une peinture dont le sujet est profondément ancré dans la culture britannique par la représentation d’un poème de Tennyson et pourtant il use d’une influence impressionniste française pour son tableau.
Peter Trippi commente l’expression de la fée de Tennyson qu’il décrit comme l’expression d’une mort proche et en même temps celle d’une libération et de la manifestation d’un orgasme. C’est la démonstration de son passage du monde des vivants vers celui des morts.
Pour Peter Trippi, ce tableau est la représentation d’une échappée et du pouvoir féminin. C’est finalement la manifestation de la société changeante du Royaume-Uni de cette période avec cette volonté d’émancipation des femmes.
La Belle Dame sans Merci
> Le poème de John Keats, La Belle Dame sans Merci, est également numérisé par Poetry Foundation. Ce poème rédigé en 1819, est extrait d’un recueil de Keats édité par Penguin en 1988. La Belle Dame sans Merci décrit la rencontre entre un chevalier et une femme mystérieuse. Le titre fait référence à un poème de Alain Chartier.
> Julie F. Codell est professeur d’histoire de l’art à l’Université d’Etat d’Arizona. Dans son article « Painting Keats: Pre-Raphaelite Artists Between Social Transgressions and Painterly Conventions« , elle aborde le sujet de la représentation de Keats par les Pre-Raphaelites. Son étude, disponible sur JSTOR, est publiée dans Victorian Poetry, 33 (1995), p.341-370. L’auteur veut montrer en quoi le personnage de Keats en tant qu’artiste, aussi bien que ses poèmes ont inspiré les Victoriens. Elle traite plus précisément des représentations des personnages de Lorenzo et Isabella – issus du poème « The Pot of Basil » (mis en ligne sur john-keats.com par Thilo von Pape, un passionné de poésie) et du thème de « The Eve of St. Agnes » (mis en ligne sur Poetry Foundation) – notamment par John Everett Millais et William Holman Hunt.
De plus la vie même de Keats inspire les peintres. Keats représentait l’artiste parfait, l’artiste qui souffrait pour son art et qui était scandaleux. Cependant cette image est détériorée lors de la publication des lettres de Keats à Fanny Brawne. Ce mythe de Keats avait été construit non seulement par le personnage lui-même mais aussi par les Pre-Raphaelites au travers de leurs toiles.
Les Pre-Raphaelites avaient le même sens de rupture avec la tradition culturelle que Keats. Ils appréciaient la manière de traduire ou d’imiter les arts du passé et de s’approprier leurs codes.
A travers la représentation des poèmes de Keats, les Pre-Raphaelites ont construit une nouvelle manière de représentation, une nouvelle iconographie. Il s’agit de placer les personnages et histoires dans de riches décors et rendre l’intensité des émotions intérieures par un langage du corps développé. Keats les a influencés par cette volonté de rendre visible une contradiction, celle entre l’ordre économique dû à une société victorienne rigide et la représentation des désirs sexuels.
Les poèmes de Keats vont permettre aux peintres d’explorer picturalement cette contradiction.
NB : l’accès à JSTOR est payant.
Vous trouverez les cartels des oeuvres dans l’album « Waterhouse, Tennyson et Keats » de notre Flickr.